Bosch : chronique d’un gâchis annoncé.

Bosch : chronique d’un gâchis annoncé

Bertrand Cavalerie, conseiller départemental, 1er secrétaire fédéral du Parti socialiste de l’Aveyron

Vincent Duchaussoy, secrétaire national du Parti socialiste – Travail, nouvelles formes de travail et emploi

 

Ce vendredi 5 mars 2021, le groupe Bosch a annoncé la suppression à court terme de 750 emplois sur 1 250 sur son site industriel d’Onet-le-Château (Aveyron), soit une baisse de près de 60 % des effectifs.

Cela représente un choc pour les salariés concernés et leurs familles mais également un séisme pour les 55 000 habitants de l’agglomération ruthénoise et l’ensemble du département de l’Aveyron dont le groupe industriel allemand demeure le premier employeur privé, 60 ans après son installation, et une locomotive économique avec plus de 6 000 emplois indirects, notamment dans le tissu commercial de proximité. Et dans ce département, on se souvient encore qu’avec la fermeture des mines de charbon et de l’industrie métallo-sidérurgique, la ville de Decazeville, située à 30 minutes de Rodez, a perdu des milliers d’emplois et plus de la moitié de ses habitants depuis 1950, avec son lot de logements vides (un quart) et de fermetures d’établissements publics. Cette annonce a été unanimement condamnée par les élus, au premier rang desquels Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie.

Chacun le sait sur place, le diesel n’a plus la cote. Les nouveaux enjeux dans la lutte contre la pollution et l’affaire du Dieselgate ont achevé de discréditer cette technologie. Son poids dans les achats de véhicules neufs s’effondre de 73 % en 2012 à 34 % en 2020. Il serait pourtant inconcevable de fermer une usine avec autant de savoir-faire et de labels. C’est pourquoi il fallait engager une transition, et que chacun y tienne son rôle et ses engagements. Or, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Le 8 juillet 2018, un accord de transition a bien été signé. Contre des efforts substantiels des salariés — prise en charge par eux-mêmes de la moitié du chômage partiel annuel nécessaire pour maintenir les emplois, compte-épargne temps gelé et congés posés dans l’année — Bosch, en contrepartie, promettait de réinvestir 14 millions d’euros pour fabriquer des éléments de moteurs aux nouvelles normes européennes, garantissait 8 % de sa production européenne à l’usine, et s’engageait à trouver 300 postes dans de nouvelles activités, hors diesel.

À quelques mois du terme de l’accord, le compte n’y est pourtant pas. Sur les 300 emplois de diversification, à peine 40 ont été créés, dont la moitié attribuée à des cadres chargés de trouver de nouvelles activités. Par ailleurs, le groupe Bosch ne semble pas pressé d’investir en France. Il semble accorder la priorité à son berceau allemand de Bamberg, mais aussi à ses sites à bas coût, en Espagne ou au Portugal, et surtout à son usine de Bursa, en Turquie, qui a été confortée jusqu’à 7 000 salariés et continuerait de bénéficier d’investissements. Une illustration de la faillite de la politique industrielle européenne qui opte sans remords pour le dumping social et la délocalisation extra-européenne contre la vitalité de ses territoires. Il faut demander à la direction de traiter son usine aveyronnaise comme celles qui sont en Allemagne. Quant à la diversification des activités, séduisante sur le papier, elle se révèle bien compliquée à mettre en œuvre. Ce n’est pas la culture du groupe Bosch qui semble très attaché au mono-produit. Et cette diversification arrive au mauvais moment alors que la pandémie de Covid-19 frappe de plein fouet l’aéronautique et la « Mecanic Vallée ».

Si Bosch n’a pas tenu ses engagements, l’État n’a pas assumé son rôle. Dans un courrier en novembre dernier, Carole Delga était obligée de solliciter « une mobilisation de l’ensemble des moyens d’action de l’État, industriels, politiques et diplomatiques, afin d’obtenir de la direction allemande de Bosch que le site d’Onet-le-Château et ses emplois soient maintenus ». Elle en appelait même à « l’implication personnelle » du chef de l’État, en lui rappelant sa visite du site en août 2016 en tant que ministre de l’Économie et de l’Industrie. Mais rien. Le syndicat Sud, pour sa part, rappelait à l’ordre le gouvernement : « Suite à l’annonce de la fermeture du site de Bridgestone à Béthune entraînant la mort de 863 emplois, madame la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a communiqué sur le fait que quand un dossier comme celui-ci est connu bien en amont, alors les solutions sont trouvées. Nous lui rappelons que la situation de notre site est sur son bureau depuis maintenant plus de deux ans et qu’aujourd’hui notre usine est menacée à court terme. » Mais rien. Le 25 février, à Albi, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, assurait que le site industriel Bosch de Rodez serait préservé. Mais rien, ou à quel prix ? La ministre Agnès Pannier-Runacher, pour sa part, préférait ouvrir des polémiques qu’apporter des solutions concrètes et réalistes — la seule étudiable, celle de l’arrivée de l’entreprise Verkor — ne pourra pas voir le jour avant 2024 et apparaît plus qu’hypothétique quand l’avenir de l’usine et de ses personnels se joue en 2021. Mais au final, pour rien.

Alors le gouvernement a bien interpelé le groupe Bosch. « L’État, appelle le groupe Bosch à assumer pleinement ses responsabilités. D’abord vis-à-vis des salariés, avec l’absence de départs contraints. Ensuite vis-à-vis du territoire : l’implication de Bosch pour compenser la perte d’emplois industriels doit être maximale, tant pour la mobilisation de moyens pour revitaliser le territoire et accompagner l’émergence de nouveaux projets, que pour la recherche et l’accompagnement de partenaires extérieurs qui pourraient s’installer sur le site pour y créer de nouvelles activités. ». Mais au-delà des mots, quels actes ont été posés et pour quels résultats ? Rien !

Ce que cette crise met en exergue, c’est la question de la reconversion des sites industriels et de la mutation écologique de notre tissu productif. À chaque fois, de lourds plans sociaux viennent frapper des travailleurs, leurs familles, un territoire et une région sans que rien n’ait été anticipé sérieusement.

Une fois encore, le Parti socialiste affirme sa conviction que la gestion de ces transformations nécessite de la part de l’État la mise en œuvre d’une véritable stratégie industrielle et d’une planification écologique qui manquent aujourd’hui à l’action publique.

La nécessaire transformation de nos activités pourrait, selon nous, représenter une véritable opportunité créatrice d’emplois à condition d’être anticipée et bien organisée.

En cas d’annonces de suppression massive de postes, comme à l’usine Bosch de Rodez, nous sommes favorables au recours au chômage partiel — avec maintien de salaire  accompagné d’un volet formation et transition professionnelle ambitieux. L’économie de demain se construit avec les travailleurs d’aujourd’hui.

Pour ne pas se condamner à revivre éternellement ce type d’annonces, le Parti socialiste appelle le gouvernement à engager d’ores et déjà, en lien avec les partenaires sociaux et les collectivités locales, des assises de la mutation du secteur productif afin d’anticiper les reconversions nécessaires et d’éviter une désastreuse casse sociale.

 

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